Rencontre culinaire ft Charlotte Bosbessen

Charlotte arrivait enfin à la Hope's Peak, après un long voyage. Lorsqu'elle était descendue du bus qui l'amenait devant l'établissement, un sentiment de joie l'avait envahi : elle allait enfin pouvoir découvrir le lieu où elle passera ces prochaines années. Dès qu'elle franchit l'entrée, elle remarqua que des petits groupes d'élèves s'étaient déjà formés. Elle eut spontanément envie de se joindre à eux. Cependant, elle avait pour l'instant d'autres priorités : elle devait d'abord s'installer dans sa chambre, la F-3. Charlotte traîna avec peine ses trois valises derrière elle. Elle repéra facilement le bâtiment des dortoirs, en revanche elle du faire plusieurs allers-retours dans le couloir pour trouver la chambre, même si elle n'était à priori pas difficile à trouver. Une fois à l'intérieur et après un bref coup d’œil, Charlotte s'appropria tout de suite le lit situé à gauche. Elle s'effondra dessus quelques instants, puis entreprit de s'installer rapidement. Elle devait surtout vérifier qu'elle avait emmené tout son matériel, car elle avait eu des doutes pendant le trajet. Avait-elle bien pris ses moules Pomponette ? Son rouleau Pique Vite ? La jeune fille ouvrait à toute vitesse ses valises, farfouillant dans les trois en même temps. Heureusement, tout était là, elle n'avait rien oublié. Rassurée, elle partit découvrir plus amplement l'académie et surtout les élèves, en laissant ce capharnaüm derrière elle. Elle aurait bien le temps de tout ranger ce soir, après tout !

Charlotte rentrait au dortoir, épuisée par sa première journée. Elle avait flâné dans l'académie sans réellement chercher à prendre ses marques. La jeune fille préférait faire cela au fil des jours. Elle avait surtout concentré son attention sur ses camarades, se faisant déjà quelques amis.
Il fallait maintenant qu'elle remette un peu d'ordre dans la chambre. Elle se devait d'être organisée afin de réussir au mieux cette année d'un point de vue scolaire. Charlotte entreprit d'organiser son bureau en rangeant ses affaires scolaires. Puis elle déposa sa trousse de toilette dans la salle de bains, qu'elle voyait pour la première fois. Enfin, elle remit soigneusement ses ustensiles de pâtisserie dans ses valises. La jeune fille enfila ensuite son pyjama afin de pouvoir continuer son installation tranquillement.
Charlotte pensait qu'elle devait mesurer la pièce, afin d'optimiser au maximum l'espace. Alors qu'elle estimait la largeur de la chambre avec ses pas, une jeune fille s'était introduite dans la chambre et avait dit d'un ton aigre, presque hautain :

« Hum hum, Charlotte, je présume ? »

Charlotte ne l'avait pas remarqué ; elle était bien trop absorbée par son activité. C'était sans doute sa colocataire. Étrangement, Charlotte n'avait pas pensé à elle de la journée. Elle n'avait même pas aperçu la petite valise posée à côté du second lit.
Elle arrêta de mesurer la chambre et dévisagea la nouvelle venue. Elle était assez grande et elle avait de longs cheveux noirs. Elle paraissait avoir environ le même âge qu'elle. La jeune fille était sans doute arrivée après elle ce matin, elles ne s'étaient donc pas croisé. De longues secondes passèrent. Charlotte ne savait pas comment réagir. Devait-elle répondre ou demander d'abord à la jeune fille de se présenter ? Charlotte avait l'habitude de converser, mais cette inconnue ne semblait pas être comme les autres. Alors, même si Charlotte hésitait sur l'attitude à adopter, elle s'avança d'un pas et affirma d'un ton joyeux :

« Eh bien oui ! Je suis Charlotte Bosbessen, l'Ultime pâtissière. Euh… Ravie de te rencontrer. Je suis désolée pour l'état de la chambre ce matin, j'étais assez pressée. »

Charlotte s'interrompit parce qu'elle avait l'impression que son interlocutrice n'était pas vraiment intéressée par ses aventures. Elle voulut donc changer de sujet :

« Et toi, qui es-tu ? »

Sa colocataire ne répondit pas tout de suite. Elle examinait la chambre, puis dit enfin :

« … Je suis Hildegarde Schleier, Ultime ornithologue… Ravie de te rencontrer… Ce n'est pas grave pour ce matin.

Puis, sans vraiment attendre de réponse, Hildegarde se trouvait en train de défaire sa petite valise. Charlotte ne fit donc aucun commentaire, un peu impressionnée par la jeune fille. Puis, tout d'un coup, Hildegarde dit, sèchement :

« Interdiction de te moquer. »

Charlotte ne comprenait décidément pas sa colocataire. Pourquoi Charlotte se serait-elle moqué ? Elle trouvait justement que défaire sa valise était une activité tout à fait normale... Elle continuait donc de la regarder, ne sachant que faire d'autre. Alors que Charlotte s'apprêtait à dire quelque chose, Hildegarde s'exclama :

« Ouaah, tu m'as manqué Mizu !!! »

Charlotte remarqua alors que Hildegarde avait dans ses bras un manchot en peluche rose. Elle le serra contre elle puis le positionna sur son lit. Charlotte s'écria :

« Ohhh ! Trop mignoooon ! »

Elle ne put résister davantage et s'élança vers la peluche pour la serrer contre elle à son tour. Hildegarde s'exclama d'un ton effrayé :

« Non !!! »

Et elle se précipita vers son doudou pour... le protéger ? Elle le reprit rapidement, tout en s'assurant qu'il n'avait pas d’égratignures.
Après une demi-heure, Charlotte n'avait pas vraiment réussi à cerner Hildegarde. Elle paraissait sympathique, mais ne cessait de marmonner des choses incompréhensibles pour Charlotte. Elles avaient continué leurs préparatifs chacune de leur côté, sans vraiment s'adresser la parole.
À 22 heures, les deux filles se couchèrent. Charlotte repensait à sa journée. Elle avait réussi à se faire quelques amis, mais une fois rentrée au dortoir, Hildegarde était restée assez distante. Ce n'était à priori pas le genre de personne à accorder sa confiance facilement.
Charlotte s'était couchée depuis 20 minutes. Soudain, elle se souvenait qu'elle avait oublié de réviser ses recettes. Elle ne pouvait pas déroger à son petit rituel, même si elle n'était plus chez elle. Elle demanda doucement :

« Hildegarde, est-ce que tu dors ?»

Charlotte n'entendit qu'un petit grognement. Elle alluma sa lampe de chevet, attrapa son livre de recettes qu'elle avait laissé à proximité, ouvrit une page au hasard et se mit à réciter à voix basse et assez rapidement :

« La recette du Kasutera Ingrédients : 100 g de farine 150 g de sucre en poudre 10 g de sucre cristal 3 œufs 2 cuillères à soupe de miel Préparation : 1) Séparer les blancs des jaunes d’œuf. 2) Faire fondre le miel dans 2 cuillères à soupe d'eau chaude. 3) Chemiser de papier sulfurisé un moule carré. 4) Saupoudrer le sucre cristal dans le fond du moule. 5) Préchauffer le four à 160 °C. 6) Monter les blancs en neige bien ferme avec un batteur électrique. 7) Ajouter le sucre en poudre en trois fois, tout en continuant de battre. 8) Ajouter délicatement les jaunes d’œuf un à un, en mélangeant bien. Ajouter le miel et mélanger bien à nouveau. 9) Verser la farine en une fois et remuer délicatement. 10) Passer la pâte au chinois. 11) Verser la pâte dans le moule. 12) Enfourner pendant environ 40 minutes, en vérifiant la cuisson. 13) Retourner le gâteau lorsque celui-ci a refroidi. »

Après avoir répété sa recette trois fois, Charlotte reposa son livre et se recoucha dans son lit. Hildegarde lui demanda durement :

« Est-ce que tu vas faire ça chaque soir ? »

Charlotte répondit, un peu désemparée :

« Euh… Je faisais cela tous les soirs chez moi… Je vais continuer ici, mais ne t'inquiètes pas, demain soir, je le ferais avant que l'on se couche ! »

Mais Hildegarde s'était déjà retournée dans son lit, elle n'avait probablement pas écouté les dernières paroles de sa colocataire. Charlotte essayait de s'endormir à son tour, sans succès. Le soir, le manque de sa famille se faisait ressentir. Elle se sentait bien seule dans cette chambre, malgré la présence d'Hildegarde. Elle ne s'endormit donc que très tard dans la nuit, emprise de divers questionnement, comme par exemple sur son avenir.

Charlotte se réveilla en sursaut. Il était déjà 7 h 30 (?) et le lit d'Hildegarde était vide. Forcément, sa colocataire, sûrement plus organisée qu'elle, avait mis son réveil afin de ne pas être en retard ce matin. Charlotte se précipita vers la salle de bain afin de pouvoir se préparer et de ne pas louper son premier cours de la journée. Cependant, celle-ci était verrouillée. Hildegarde était elle aussi en train de se préparer. En attendant que la jeune fille sorte, Charlotte s'assit sur son lit et révisa une fois de plus ses recettes. Elle regardait de temps en temps autour d'elle, pour vérifier si sa colocataire revenait. Charlotte vit alors la peluche « Mizu » d'Hildegarde, soigneusement posée à côté de son oreiller. La jeune fille se leva et la prit dans ses bras. Elle lui demanda en chuchotant d'un ton enjoué :

« Enchantée, Mizu ! Bien dormi ? »

Puis elle le reposa, en faisant très attention de le positionner de la même manière que sa colocataire. Quelques minutes plus tard, Hildegarde apparut, fin prête pour sa première journée. Charlotte se précipita alors dans la salle de bain, déjà en train de réfléchir au temps nécessaire pour accéder à sa première salle. D'ailleurs, quelle était sa première salle ? La veille, la jeune fille n'avait pas pris la peine de noter les emplacements des salles de classe. Elle ne savait même pas vers quel bâtiment se diriger. De plus, elle entendit la porte de la chambre s'ouvrir. Elle retourna dans la chambre et vit Hildegarde sur le pas de la porte, son sac sur l'épaule. Charlotte décida de la suivre afin d'obtenir de possibles informations sur la localisation de sa salle de classe, sans véritablement s'être préparée.

Le soir, lorsque Charlotte rentra au dortoir, elle était de bonne humeur. Elle avait fini par trouver sa salle de classe grâce aux indications d'Hildegarde, et n'était pas arrivée trop en retard. L'après-midi, elle avait pris ses marques dans la cuisine du salon de thé Miaou. La journée s'était donc déroulée sans encombre. Quand elle arriva dans la chambre, Hildegarde était déjà installée à son bureau. Elle semblait noter des informations dans un carnet. Charlotte s'approcha et lui demanda d'un ton joyeux :

« Qu'est-ce que tu notes ? »

Hildegarde paraissait très heureuse que Charlotte s'intéresse à ce qu'elle faisait. Elle s'arrêta de travailler et répondit :

« Tu vois, je suis en train de remplir d'annotations les croquis que j'ai fait dans la journée. Comme tu le sais, je suis l'ultime ornithologue. J'ai donc passé l'après-midi dans la volière pour prendre des photos et faire des croquis. Pour ne pas perdre de temps, j'ai préféré mettre à ce soir tout ce que je pouvais faire en dehors de la volière, donc la partie rédaction des notes. Des questions ? »

Puis elle enchaîna, avec un grand sourire et sans laisser le temps à Charlotte de répondre :

« Ah, et en fait, ta journée s'est bien passé ? »

La jeune fille fut une fois de plus désemparée. Jusque-là, sa colocataire n'avait pas réellement manifesté d'intérêt pour Charlotte. Des fois, Hildegarde semblait même perturbée par la présence de celle-ci, ou bien elle avait pitié d'elle, comme par exemple ce matin, quand elle l'avait aidée à trouver sa salle de classe. Néanmoins et comme souvent, Charlotte arbora un air joyeux et répondit :

« Ma journée s'est très bien passée. Hum… Je voulais te remercier, grâce à toi, je ne suis pas arrivée trop en retard à mon premier cours. J'ai même déjà pu m'exercer cet après-midi à la pâtisserie dans ce salon de thé… Comment s’appelle-t-il déjà ? Ah oui, le salon de thé Miaou. C'était très sympa ! »

Cependant, même si Charlotte était heureuse, quelque chose la tracassait. La réalité n'était pas conforme à l'image qu'elle s'en était faite. Dans sa classe, ses camarades n'avaient pas vraiment été réceptifs à l'attitude de Charlotte. (?) La seule fois de la journée où elle s'était vraiment sentie radieuse était l'après-midi, lorsqu'elle avait pu préparer quelques-unes de ses créations. Cependant, Charlotte n'avait pas réussi à se faire des amis, et elle n'avait même pas revu ceux de sa journée d'intégration. C'était pourtant sa marque de fabrique, presque autant que ses gâteaux. Elle continua donc, sur un ton un peu déçu :

« Euh… En fait, après réflexion, tout ne s'est pas super bien passé. J'ai l'habitude de toujours être bien entourée. Or aujourd'hui, j'avais l'impression d'être un peu seule. Alors, je sais que nous n'en sommes qu'au deuxième jour, mais j'ai l'impression que les personnes ici sont surtout focalisées sur leurs talents, sans vraiment faire attention aux autres. Je me trompe sûrement, c'est peut-être seulement parce qu'ils ne se connaissent pas vraiment entre eux. De plus, contrairement à avant mon entrée à la Hope's Peak, les gens ne font pas réellement attention aux autres puisque ici, tout le monde redevient ordinaire vu que nous sommes tous au même stade «d'ultimes». Bref, je suis donc un peu déçue niveau social, même si j'ai quand même eu une journée satisfaisante au niveau professionnel. »

Puis elle ajouta avec un sourire forcé :

« J'aimerais bien discuter de cela avec toi, si cela ne te dérange pas bien sûr. D’ailleurs, j'ai amené des gâteaux à la noisette que j'ai faits cet après-midi. C'est bien connu, les pâtisseries remontent le moral ! »

Hildegarde ne semblait pas rebutée par les propos de Charlotte ; elle répondit même en souriant :

« Je goûterai volontiers un de tes gâteaux ! »

Au moment où Hildegarde mordait dans la pâtisserie, Charlotte s'exclama en son for intérieur « Ça goûte, c'est bon ! ». Sa devise lui remit un peu de baume au cœur. Hildegarde lui dit, tout en continuant de manger le gâteau :

« Hum… Tu vois, Charlotte, je ne suis peut-être pas assez bien placé pour te remonter le moral. Moi-même je n'ai pas trop fait attention aux autres pendant cette rentrée. Je pense qu'il faut laisser le temps agir, tu te feras remarquer tôt ou tard et tu pourras te faire des amis lors de ces moments-là. Même si tu a l'impression que les autres sont focaliser sur leurs talents, c'est sûrement un comportement naturel. Nos Ultimes sont notre fierté après tout, tu ne crois pas ? Et puis je ne pense pas non plus que tu vas être fondue dans la masse des étudiants, tu es la seule Ultime Pâtissière, tu surpasses tout le monde dans ce domaine, il n'y en a pas deux comme toi ! »

Puis, lorsqu'elle termina la dernière bouchée, elle s'écria en souriant :

« Je dois avouer que tu n'as pas volé ce titre, tes gâteaux sont succulents ! »

Charlotte était contente du compliment, cependant, elle n'était pas plus avancée. Elle ne savait plus quoi penser quand Hildegarde reprit la parole :

« Si tu veux, on peut essayer de se montrer en quoi consiste nos talents un de ces jours ? On pourra plus facilement faire connaissance comme ça. »

Cette proposition faisait plaisir à Charlotte, même si elle était consciente, une fois de plus, que sa colocataire avait dit cela par pitié. Charlotte répondit tout de même avec entrain :

« Avec plaisir Hildegarde ! »

Charlotte était déjà en train de réfléchir à la meilleure façon d'organiser la rencontre. La jeune fille était contente, elle allait pouvoir discuter avec Hildegarde tout en observant ce qui la passionnait. À moins que sa colocataire veuille pâtisser à ses côtés, dans le salon de thé Miaou ? Qu'importe, dans les deux cas, Charlotte serait ravi. Et, après tout, Hildegarde avait raison. Elle se fera des amis dans les jours à venir. Il suffisait d'attendre un peu, même si ce n'était pas la principale qualité de la jeune fille.

Quelques jours passèrent et Hildegarde semblait de plus en plus passionnée par son travail dans la volière, et elle passait la plupart de son temps à annoter des indications dans son carnet. Elle avait demandé chaque soir à Charlotte si elle se sentait mieux. La jeune fille avait répondu brièvement que ça allait, sans plus entrer dans les détails. Elle avait désormais quelques « connaissances », mais ce n'était pas encore vraiment des amis.

Ce soir-là, lorsque Charlotte se coucha, elle repensa à la première semaine qui s'était déjà écoulée. Hildegarde n'avait pas reparlé du projet de rencontre, ce qui décevait énormément Charlotte, même si elle essayait de le cacher. Elle s'était rendu compte qu'Hildegarde avait proposé cela sur le coup, sans vraiment y réfléchir, alors que Charlotte s'était réellement impliquée. Elle y avait vraiment cru. Cependant, comme une de ses nombreuses devises était « Qui ne tente rien, n'a rien », elle décida de parler à Hildegarde dès le lendemain matin.

Aussitôt que Charlotte ouvrit les yeux, elle repéra Hildegarde, en train de faire son lit. Elle la salua, puis après un temps d'hésitation, elle lui demanda, en essayant de prendre un ton léger :

« Hum hum… Au fait, Hildegarde, tu te souviens de ce que tu m'avais dit, l'autre jour ? Est-ce que tu voudrais encore qu'on fasse connaissance, en en apprenant plus sur nos talents respectifs ? »